January 2004 - Popnews
Templo Diez : Hoboken. La seule juxtaposition de ces trois mots évoque une géographie musicale mouvante, et un parcours fait de méandres atypiques. On sait juste que Pascal Hallibert, français installé à La Hague (Hollande) est la tête pensante du trio Templo. Quant à "Hoboken", ses 9 titres constituent une balade hypnotique, nocturne, et aventureuse. Car Templo Diez cultive l'art des formes floues, rétives aux définitions usuelles. On peut certes tenter une approche simplificatrice en recourant aux catégories en vigueur : slowcore ? post-rock ? Sans doute, mais pourquoi pas dans ce cas ambient-folk, soft-experimental ou (temp)lo-fi ? Faut-il des références ? "Hoboken" peut faire écho, par moments, à Galaxie 500, Souled American, ou bien Frankie Sparo - tous enfants du Velvet ou de Big star en perdition. Mais si l'on se débarrasse de ces béquilles critiques, il reste l'essentiel : une musique à combustion lente, d'une intensité aussi diffuse que prégnante, en équilibre entre racines et abstraction. Le superbe "Sedan" est le véhicule idéal pour commencer à traverser le pays aride mais précieux de Templo Diez : une guitare cotonneuse, des notes de piano éparses, un crescendo subtil qui enveloppent dans un cocon de textures sonores recherchées l'intime voix de Hallibert. Tout au long du trajet, ce dernier fait halte dans des contrées ni franchement inconnues ni totalement familières. Le blues post-neil youngien de "Anymore" ; la country ralentie de "Come On", la pop minimale de "Song VI" ou encore le psychédélisme oppressant de "The Devil You Know" constituent des fragments épars d'une musique dont on ne sait trop si elle est passée ou à venir. S'il est malaisé d'appréhender de façon univoque ce disque, c'est que Templo Diez opère dans ces zones indécises où se joue la vraie et rare liberté de quelques groupes : ces zones où atmosphère n'est plus antithétique de songwriting, où intensité n'est pas synonyme de lourdeur. Comme quelques uns par ici (Lilium , Herman Düne, Berg sans Nipple), Templo Diez joue une musique apatride, faite d'attaches et de déracinements, de références et de croisements. Une musique qui se joue des territoires et des cartes ordinairement dessinés, un art géographique personnel où la Meuse peut se jeter dans l'Hudson River sans que cela ne provoque l'incrédulité.
(Laurent Vaissière)